HUMANITÉ(s)

Le cluster HUMANITÉ(s) souhaite attirer des réflexions autour de l’utilisation et l’interprétation des sciences humaines (notamment l’histoire, la littérature, l’anthropologie et la philosophie pratique et phénoménologique) comme objets dans les arts du spectacle vivant, mais aussi comme agents de transmission du geste artistique. 

Les arts du spectacle vivant ont depuis longtemps été considérés comme des médiums potentiels dans l’utilisation des sciences humaines comme terrain de modelage de la conscience publique. La représentation des phénomènes sociaux, humains et historiques – topographie, ambiance, mentalités, émotions ou vécu sociétal – peut œuvrer à l’appréhension de tels phénomènes par les audiences. Cependant, ladite représentation est largement façonnée par des subjectivités.

D’un côté, ces phénomènes sont représentés à travers le point de vue d’un protagoniste (en son sens classique et concret, mais aussi abstrait, déconstruit, effacé, réhabilité) à l’intérieur d’une construction performative (scénique et cinématographique). De l’autre côté, la subjectivité se répand dans les « coulisses » de l’acte artistique, d’autant plus que le contexte contemporain et la charpente des a priori de l’artiste (ou du performeur) rajoutent une autre strate dans la perception et la transmission des événements ou phénomènes mis en scène. C’est pour cette raison que les chercheur.e.s ont originellement exploité les arts du spectacle vivant comme des « illustrations » d’une narration, et non pas comme des « représentations discursives » (White) à travers l’image et le langage. 

Dans cette dialectique, les littératures de fiction (ou d’autofiction) viennent se greffer sur les scènes et les écrans, notamment si nous tenons compte des dernières tendances qui œuvrent à la mise en scène des romans, par exemple – pratique beaucoup plus répandue dans le cinéma. Or, quel rôle pourraient jouer aussi le théâtre et le cinéma documentaires dans une telle optique ? 

Par ailleurs, il est important de penser les événements socio-historiques, récits littéraires et concepts philosophiques comme des objets émanant d’un geste artistique – lesquels sont assimilés par les arts du spectacle vivant. Bien entendu, l’art peut travailler à la reconstruction des événements, situations et idées à travers l’exposition (soit-elle subjective et limitée) des agents socio-historiques, de leurs relations, et des tissus de sens qui structurent les mentalités. 

Pourtant, les artistes du spectacle vivant s’ingénient à explorer les sciences humaines surtout comme moyen, comme marge de manœuvre afin d’explorer les émotions humaines ou les relations organiques entre les protagonistes. Le contexte socio-historique devient ainsi distordu dans ses coordonnées spatio-temporelles, et souvent il est fracturé/fragmenté au service de la pratique artistique. Dans ce paradigme, la licence artistique devient centrale et la pertinence du détail est souvent mise à l’écart.

Nous souhaitons donc attirer des chercheur.e.s qui s’emparent des arts du spectacle vivant afin de mettre en lumière cette tension liée à l’utilisation, l’interprétation et / ou l’instrumentalisation des sciences humaines à la fois comme objet de la performance artistique et comme agent de l’acte artistique. Ainsi, le mémoriel, le politique, l’anachronisme dans sa potentialité créatrice (Lowenthal), l’usage des archives et des sources primaires pour des fins esthétiques, l’usage anthropologique et symbolique des codes théâtraux et cinématographiques sont autant de pistes à explorer à travers les productions artistiques immédiatement contemporaines. Est-ce que les sciences humaines modélisent les arts du spectacle vivant ? Ou vice-versa ?  Ou réciproquement ? Dans quels buts ?